Coffre-fort

L’épisode que nous présentons ici est tiré d’un inventaire après décès issu des minutes de Me. Martin Chastagnier, notaire à Mailhat*.

L’acte, daté du 8 décembre 1586 (archives départementales du Puy-de-Dôme, 5^E32 768) porte l’intitulé suivant : « Inventaire des biens de feu Annet Bonneton ‘pataras’ de Lamontgie ». S’il est inutile de préciser l’intérêt de ce type de document dans l’approfondissement de nos connaissances sur l’histoire des familles, il est remarquable de voir à quel point certains détails peuvent révéler d’importants pans – jusque-là méconnus – de l’histoire locale, voire régionale.
[Dans l’état actuel de nos connaissances, cet acte comporte l’unique mention d’un « fort » à Sainte-Florine].

Les Bonneton, de Sainte-Florine à Lamontgie

Au cours du XVIe siècle, une branche de la famille Bonneton, originaire de Sainte-Florine (Haute-Loire), s’installa dans le village de Lamontgie (Puy-de-Dôme), alors en pleine mutation. Suite au décès de l’un de ses représentants – Annet Bonneton – on fit appel au notaire local pour dresser l’inventaire de ses biens.

Au moment de répertorier les « tiltres » passés par le défunt sa vie durant, l’officier ne peut s’acquitter de sa tâche du fait de l’absence de ces papiers sur place. La raison avancée par la famille est la suivante :

« Et pour le regard des tiltres ont [dict] ne les pouvoir quant à présent inventorier d’aultant que ledit deffunct causant les troubles les avoict appourter dans le fort de Saincte Florine pour la conservation diceulx d’où ils ne peuvent si promptement les recouvrer »

Villages fortifiés… villages ouverts

Nous sommes en 1586 et, depuis plus de 10 ans, les troubles des Guerres de Religion entretiennent un climat d’insécurité permanent sur toute la province, et particulièrement dans la région d’Issoire. Annet Bonneton, en bon chef de famille, avait jugé nécessaire de placer tous les papiers familiaux en sécurité dans le fort de Sainte-Florine où les Bonneton possédaient encore une grange. L’inventaire des papiers se fera 2 jours plus tard, le 10 décembre 1586.

Cet épisode est révélateur du déséquilibre patent entre un village protégé comme l’était Sainte-Florine, à l’image de la grande majorité des bourgs de la région, et un village « ouvert », dénué de fortifications, comme l’était encore Lamontgie. La genèse et le développement récents du lieu, longtemps resté dans l’ombre du chef-lieu de paroisse (Mailhat), expliquent en grande partie cette situation.

Pourtant, le positionnement du lieu, à la croisée de plusieurs Grands Chemins, non loin de Nonette et d’Issoire, ne faisait qu’accentuer le sentiment de vulnérabilité des habitants soumis à la menace des passages incessants de bandes de soudards. C’est pourquoi, trois ans plus tard, les habitants du lieu décidèrent de fortifier une partie de leur village. L’urgence de la situation était telle qu’ils ne firent pas appel – sciemment ? – aux autorités compétentes et passèrent outre l’autorisation royale. Les tours et les murailles ne seront validées par Henri IV qu’en 1595, confirmant ainsi le nouveau statut de bourg fortifié pour Lamontgie.

* Mailhat, anciennement chef-lieu de paroisse, aujourd’hui village situé sur la commune de Lamontgie, Puy-de-Dôme.

Nos connaissances sur les forts villageois (en Auvergne et ses marges) sont essentiellement issues des travaux de M. Gabriel Fournier, professeur honoraire de l’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand. En collaboration avec l’A.F.V.A. (Association des Forts Villageois d’Auvergne), celui-ci a publié l’intégralité de ses recherches sur les fortifications villageoises dans plusieurs fascicules (http://www.lesfortsvillageois.fr/publications_fr.html). Récemment, un splendide ouvrage de synthèse a été publié (http://www.lesfortsvillageois.fr/villages-fortifies-livre-gabriel-fournier_fr.html), il rassemble près d’un demi-siècle d’investigation sur les fortifications collectives de la région.

Les Forts Villageois d’Auvergne :

Extrait de l’inventaire des biens de feu Annet Bonneton ‘pataras’ de Lamontgie, du 08.12.1586 [Archives départementales du Puy-de-Dôme, 5E32 768 – année 1586, notaire Chastagnier Martin à Mailhat]

« (…) plus une au(ltr)e mais(on) scitué aud(it) lieu de la montgie hault et bas et jardin de viande atouchant le tout ce (con)finent jouxte la rue (com)mune de deux parties appelle des bonnetons de jour (et) nuit (…) Plus une grange scituée a Saincte Florine (…) Et pour le regard des tiltres ont [dict] ne les pouvoir quant à p(rése)nt inventorier d’aultant que ledit deffunct causant les troubles les avoict appourter dans le fort de Saincte Florine pour la (con)servation diceulx d’où ils ne peuvent si promptement les recouvrer (…) »