[PRÉSENTATION]

Avant la Révolution française, le délibératoire des habitants, ancêtre du registre des délibérations communales, permettait aux consuls entourés des « principaux chefs de familles » de régler les affaires « communes ». L’acte, rédigé par le notaire local, est une source de premier ordre pour qui s’intéresse à l’histoire des villages.
Le délibératoire présenté ici se tient en 1773, il concerne la petite paroisse de Mailhat, proche de la ville d’Issoire. À travers ce document, transparaît une bipolarité paroissiale cristallisée autour des deux principaux villages et de leurs lieux de culte. En cette fin du XVIIIe siècle, le long processus de dédoublement de la population arrive à son apogée, sans jamais avoir amené les habitants à décider une scission du territoire paroissial. La Révolution va balayer trois siècles d’hésitations.

[TEXTE INTEGRAL]

« [f°1 r°]Aujourd’hui Lundy dernier may mil sept cens soixante treize devant le notaire de cette justice et parroisse de Malhat Lamongie Soussigné et en présence des temoins cy après nommés L’assemblée des habitans et du corps commun delad[ite] parroisse de Malhat a este ced[it]jourd’huy tenue a lissue de le messe de parroisse et sur la place publique dud[it] lieu au son de la cloche en la maniere ordinaire, a la requisition et diligence de Me. Jean Raparie marchand habitant de lad[ite]parroisse precedant marguilier et luminier delad[ite] parroisse, Et laquelle assemblée ont assiste mesire Leger Bernard pretre et Curé de Malhat, Me. Antoine Bergier premier consul delad[ite]parroisse, Jacques Delanef Sindic et premier luminier en exercice, Damien Esperon, Me. Jean Delanef, Jacques Delanef, Me. Jean Raparie, François Delanef, Damien Bernard, Me. Antoine Berard, Jean Ollier, autre Jean Ollier, Antoine Amblard fils a Jean, Jean Augier, Jean Berard, Jean Sabatier, Blaize Pialoux, Pierre Thiolas, Robert Esbelin, Jean Esperon, Saturnin Chademay, Jean Chademay, Antoine Esperon, Jean Besseyre, Valentin Juillard, Antoine Vigerie, Claude Vidal, Damien Vidal, Jean Thiolas consul de 1772, Damien Hospital, Jean Achard, Saturnin Achard lun des luminiers, Jacques Seughol, Antoine Miolane, Antoine Jouzanssie, Jean Bonneton et autre, tous marchands laboureurs vignerons ou journaliers dud[it] lieu de Mailhat Lamongie le terrail Circou et la palotie, vilages dependant delad[ite]parroisse faisant et compozant la majeure partie des principaux habitans delad[ite] parroisse, auxquels led[it]Raparie a representé que par acte [f°1 v°]délibératif d’eux habitans assemblés en corps commun le dimanche vingt quatre juillet 1768 reçu Dalbine no[tair]e Royal controllé a Auzon par Jurie commis Il fut unanimement nommé et commis pour recevoir et retiré dentre les mains de Louise Berard v[euv]e de Jean Augier Boulangere La somme de trois cens quatre vingt dix livres dix huit sous quelle restoit dû au corps commun desd[its] habitans pour les causes mentionées au compte que lad[ite]Berard leur en a rendu et qui a este arrette par Me. De Montjon lors Intendant le vingt quatre janvier 1769 avec pouvoir aud[it] Raparie den donner pour eux bonne et valable decharge alad[ite]Berard et a la charge par luy d’employer la moitie de la somme cy dessus a la constitution dun maitre hotel a tombeau pour etre placé au cœur de leglise parroissiale de Mailhat et autres reparations utiles et urgentes et enfin lautre moitie de lad[ite] susd[ite]somme etre par lui employée a reparer et aggrandir la chapelle de la mongie afin que le peuple put sy contenir promettant lesd[its] habitans dallouer et avoir pour agreable tout ce qui seroit fait par led[it]Raparie et a ce faire ils auroient obligé les biens et revenus de leur communauté en execution de quoi led[it] Raparie a reçu retiré et donné quittance de lad[ite]somme a lad[ite] Berard v[euv]e Augier et icelle employée comme dessus au desir desd[its] habitans quil est par conséquant bien fondé de leur demander acte et quil soit par eux déchargé de toutes lesd[ites]reparations comme etant faites et parfaites sur quoy lesd[its] habitans setant retirés a part pour conferer ensemble sur lesd[its]objets ils nous ont ensuite raporte tenir les reparations que led[it] Raparie a fait faire en execution de sa commission tant au cœur de l’église dud[it]Mailhat pour raison dud[it] hotel a tombeau transport du retable et pavement dud[it]cœur, qu’a la chapelle de la mongie pour raison [f°2 r°]de la construction dune nouvelle chapelle, faites et parfaites bonnes et valables duement verifiers et conformes a leur projets dont ils lui donnent acte, en consequence ils lont du tout valablement dechargé comme ils le dechargent unanimement par ces presentes. Mais comme les habitans de la mongie et du terrail en leur particuliers sont certains que les avances faites par led[it] Raparie pour raison de laggrandissement de la chapelle dud[it]Lamongie excedent sa recepte dune somme de vingt quatre livres treize sous, ils sont par consequant ses debiteurs de lad[ite] somme, en cosequence pour luy en faciliter le remboursement ils authorisent Me. Jacques Delanef luminier actuel des eglise de Mailhat et chapelle de la Mongie [paroisse de mailhat – mention rayée]de payer cette dite somme aud[it] Raparie dont la quittance raportee luy sera passé dans son compte, auquel luminier actuel lesd[its]habitans de la mongie et du terrail donnent plein pouvoir et jouissance et lauthorizent par ces presentes de percevoir a lavenir, de meme que les arrerages si aucuns y a, le produit et revenus des bancs estables (sic) des foires et marchés dud[it] lieu de la mongie comme etant particulierement affectés a la dotation de lad[ite]chapelle de la mongie aincy que le produit du tenement de mongros aussy afecté a la dotation de lad[ite] chapelle, promettant lesd[its]habitans davoir le tout pour agreable ne revoquer au contraire approuver a tous quoy faire lesd[its] habitans chacuns en ce qui les concernent ont obligé les biens de leur communauté car ainsi ils lont voulu et deliberé promis lexecution [etc.]a paine [etc.]fait et clos sur lad[ite] place publique de mailhat en presence de Me. Jean Baptiste Comstant lieutenant [f°2 v°]des fermes du roy residant a lamongie et de Giraud Planche laboureur habitans du lieu et parroisse de Saint martin soussigné avec led[it] Sieur Curé, led[it]Jacques Delanef Sindic, lesd[its] Sieurs Bergier, Delanef, Delanef, Raparie, Augier, Esperon, Amblard, Ollier, Ollier et autres qui lont seu faire et les autres habitans cy devant nommés ont declaré ne savoir signer de ce enquis led[it]jour et an seconde fette de la pantecotte trente un may mil sept cens soixante treize environ midy et a la minutte ont signé Bernard Curé, Bergier, Esperon, Delanef, Delanef, Delanef, Raparie, Berard, Ollier, Amblard, Planche, Delanef, Augier, Constant, Pierre Thiolas, Berard, Sabatier, Pialoux, Miolane, Martin, Deltour notaire et plus bas il y a controlle a Issoire le 11 juin 1773 Reçu cinquante six sous par Blaic commis qui a signé.
Expedié a Me. Jean Raparie l’ayant requis par moy no[tair]e soussigné saisi de la minutte. [Deltour no[tair]e – signature] »

[ANALYSE]

Le document est une quittance des habitants de la paroisse de Mailhat au profit de Me. Jean Raparie, ancien luminier de 1768, missionné pour retirer et utiliser des fonds (390#) dus à la communauté par Louise Berard, boulangère, veuve de Jean Augier.

L’homme s’est bien acquitté de sa tâche, et les fonds ont été utilisés comme suit :

  • la moitié de la somme, réservée pour l’église mère, a servi à la constitution d’un « maître hôtel à tombeau » placé dans le cœur, ainsi que d’autres réparations « utiles et urgentes » dont le pavement dudit cœur.
  • L’autre moitié fut utilisée pour d’importants travaux de réfection et d’agrandissement de la chapelle de Lamontgie (« afin que le peuple put sy contenir »).

Les travaux engagés sur la chapelle semblent avoir été d’envergure puisque le notaire va même jusqu’à employer la formule de « construction d’une nouvelle chapelle ». De fait, la somme réservée à l’annexe de l’église paroissiale s’est trouvée être insuffisante et le luminaire dût combler la différence. Pour remédier à d’éventuels futurs problèmes de financement d’aménagements de la chapelle, les habitants de Lamontgie et du Terrail donnent plein pouvoir à l’actuel luminier pour percevoir directement les revenus des bancs et des tables loués les jours de foires et marchés afin d’augmenter la dotation de la chapelle pour laquelle le revenu du communal de Montgros était réservé depuis son édification, mais était devenu insuffisant.

[COMMENTAIRES]

À l’entame du dernier quart du XVIIIe siècle, un peu plus d’un siècle après l’édification de la chapelle de Lamontgie, la bipolarité paroissiale touche à son paroxysme. Le déséquilibre de population entre les deux villages de Mailhat et de Lamontgie transparaît à travers les aménagements successifs du lieu de culte « annexe » devenu trop exigu. Ces derniers semblent d’ailleurs ne plus suffire, à tel point que l’agrandissement de 1773 ressemble à s’y méprendre à une nouvelle édification du bâtiment.
La gestion des affaires communes continue tant bien que mal à s’adapter à la situation en partageant les fonds entre les deux sanctuaires. Si l’église-mère fait encore l’objet d’une attention particulière de la part de l’ensemble des paroissiens, les frais engagés sur la chapelle dépassent les moyens de la luminerie qui continue à distribuer équitablement les fonds nécessaires à l’entretien des deux bâtiments cultuels. C’est ainsi que les habitants de Lamontgie et du Terrail, initiateurs de l’édification de la chapelle et tenus – par un traité du 26 mars 1648 – à ce que sa dotation soit suffisante pour son entretien, se retrouvent dans l’obligation de trouver de nouveaux revenus pour compléter ceux – initialement prévus mais à présent insuffisants – issus du communal de Montgros. La solution ne pouvait provenir que d’un autre bien communautaire appartenant aux habitants de Lamontgie et du Terrail : le choix est porté sur le loyer des bancs et des tables prélevé à l’occasion des foires et des marchés de Lamontgie. L’activité marchande, qui était en grande partie à l’initiative du projet d’édification, devenait à cette occasion, par un juste retour des choses, la caution du maintien et du développement d’un lieu de culte à Lamontgie dont l’apparence – et par la même le statut – s’éloignait de plus en plus de celle d’une chapelle pour se rapprocher d’autant de celle d’une l’église.

Dans le dernier quart du XVIIIe siècle, tous les ingrédients d’une scission paroissiale sont réunis, mais l’attachement pluriséculaire de l’ensemble des paroissiens à l’église-mère, autour de laquelle s’était aggloméré l’habitat primitif, va maintenir – tant bien que mal – une fausse unité paroissiale. Seule la Révolution viendra bouleverser la hiérarchie entre les deux sanctuaires, propulsant la chapelle annexe au rang d’église paroissiale, et plongeant par la même occasion l’ancienne église romane dans une longue période d’oubli.

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