Les pleureuses de la tombe de Kynebou  – n°113 – Nécropole de Cheikh Abd el-Gournah. Dessin de Marcelle Baud publié dans Les pleureuses dans l’Égypte ancienne de Marcelle Werbrouck, 1938

Principales références [1] :

Marcelle Baud est auvergnate par son père, Antoine Baud, originaire d’Issoire. Celui-ci quitte l’Auvergne, après son apprentissage, pour Paris, afin de devenir « Compagnon du Tour de France ». Engagé par l’artisan peintre Charles Numa Morel, il devient à la fois son successeur et son gendre en épousant sa fille Marthe Julie Adèle Morel.

C’est donc quartier Belleville qu’il apprend le métier de « peintre de lettres », et c’est ici, dans le XIe arrondissement de Paris, au n°38 boulevard du Temple, « devant laquelle autrefois des acteurs ambulants jouaient des scénettes », que Marcelle Baud voit le jour le 28 novembre 1890.

À 9 ans, pendant les vacances d’été, elle commence à dessiner avec son grand-père, Numa Morel, lui-même dessinateur. Celui-ci avait une maison en Bretagne, au bord de la mer, et chaque jour, dès neuf heures le matin, alors que sa petite-fille cherchait des coquillages, il l’appelait pour lui donner ses leçons de dessin.

Dès l’âge de dix ans elle commence à aider son père et quelques années plus tard, à quinze ans, elle termine souvent un travail commandé en urgence. Le travail est difficile pour une jeune fille de son âge, nécessitant de rester de longues heures debout, immobile devant le chevalet, mais la passion est là !

Il n’est pas étonnant qu’à ce rythme, elle dépasse très vite ses camarades à l’Ecole de dessin de la rue des Boulets (Académie Julian), et à 18 ans, elle entre aux Beaux-Arts. Encore à cette époque, elle vient en aide à son père lorsque, pour son métier, il a besoin d’une recherche à effectuer sur un dessin, et à 21 ans, à sa demande, elle donne des leçons de dessin à ses ouvriers.

En 1911, elle s’inscrit en égyptologie à l’École du Louvre où elle a comme camarade Etienne Drioton[2]. Pendant ses études au Louvre, elle suit pour son plaisir les cours de Georges Benedite et s’aperçoit que la documentation en images de ce professeur est pauvre : elle se met donc à lui dessiner tous les costumes et monuments grecs dont il a besoin. Pour récompenser le dévouement de son élève, Benedite parvient à lui trouver une place à l’École du Caire, dont elle fut la première élève féminine, dix sept ans avant Christiane Desroches-Noblecourt. C’est dans ces mêmes années, probablement à l’École du Louvre, qu’elle rencontre Marcelle Werbrouck avec laquelle elle se lie d’amitié[3].

Marcelle Baud

Après trois ans d’Histoire de l’Art et d’Egyptologie, elle passe brillamment ses examens et prépare sa thèse sur Les Dessins ébauchés de la Nécropole Thébaine (au Temps du Nouvel Empire).

C’est en 1920, que commence sa longue et fructueuse carrière d’égyptologue, de dessinatrice et de copiste. À tout juste 30 ans, elle part au Caire comme attachée de l’IFAO (Institut français d’Archéologie Orientale). Pour la première fois c’est une femme qui occupe un poste scientifique à l’Institut. Elle participe aux recherches sur différents sites dans toute la Vallée du Nil, copiant les pièces archéologiques mises au jour lors des fouilles, les parois des tombes et des temples, acquérant ainsi la connaissance du dessin égyptien. Elle côtoie alors le microcosme de l’égyptologie.

Elle effectue en particulier des copies des fresques des tombes thébaines. Ces dessins seront ensuite publiés dans les Mémoires de l’IFAO parus entre 1928 et 1935.

En 1922, elle est présente lors de la grande découverte qui secoue la Vallée des Rois : celle de la tombe de Toutankhamon par Lord Carnarvon et Howard Carter. Elle est la seconde femme – après la fille de Lord Carnavon – à pénétrer dans le tombeau.

Parallèlement, elle fréquente le Musée du Caire et visite les autres sites archéologiques égyptiens. Elle noue des contacts avec les différentes équipes de fouilles, et plus particulièrement avec les Belges de la Fondation Egyptologique Reine Elisabeth, notamment Jean Capart qui la sollicite pour faire des relevés de tombes. Son excellent travail est couronné par des expositions au Louvre, à Bruxelles et à Brooklyn, qui rencontrent un énorme succès. À l’heure où la présence féminine sur les champs de fouilles est extrêmement rare, voire quasi nulle, c’est un véritable « adoubement », une reconnaissance totale de son art et de ses compétences.

Porteur d’offrandes d’une tombe thébaine, aquarelle de Marcelle Baud

En 1926, un article lui est consacré dans la revue féministe « L’Égyptienne » fondée par Mme Hoda Charaoui :

« À Paris, la curieuse exposition de dessins de tombeaux thébains de Mlle Marcelle Baud, jeune archéologue qui a passé deux ans dans la Vallée des Rois, a obtenu le plus vif succès. Mlle Marcelle Baud a recueilli ses documents dans la nécropole de Gournah, cimetière des grands dignitaires royaux au temps du nouvel Empire, de la 18e à la 26e dynastie. Avec une science profonde des lignes et un réel talent particulier, Mlle Marcelle Baud a évoqué dans tout leur réalisme ces scènes de la vie égyptienne d’autrefois ».[4]

Toujours à cette époque, Jean Capart, en tant que conservateur aux Musées royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles, prend l’initiative de reconstituer les décors de la tombe de Nakht, à Thèbes. L’ouvrage est confié à Marcelle Baud qui réalise une copie des dessins des murs et y applique les pigments et les techniques picturales de l’ancienne Égypte. L’inauguration de la tombe reconstituée a lieu le 30 juin 1928 au Musée du Cinquantenaire.

Elle collabore aussi à plusieurs ouvrages collectifs. Dans un ouvrage de synthèse intitulé Les dessins ébauchés de la nécropole thébaine paru en 1935, elle dégage « les directives de l’art du dessin en Égypte »[5], étudie la technique du dessin égyptien « telle qu’elle se dégage des représentations inachevées dans les tombes ». C’est un ouvrage de synthèse qui demeure un livre de référence dans ce domaine.

Marcelle Werbrouck à la Fondation Egyptologique Reine Elisabeth.
Bruxelles, vers 1930

Dans les années trente, elle prend part au mouvement Soroptimist, un service-club féminin aux ramifications internationales. À son instigation, son amie Marcelle Werbrouck crée le Club de Bruxelles dont elle devient en 1938 la première présidente. Cette même année, Marcelle Werbrouck la sollicite pour illustrer son ouvrage Les Pleureuses dans l’Egypte ancienne.

Puis la Seconde Guerre mondiale éclate au moment où Hachette lui demande de refondre son Guide Bleu sur l’Egypte. Elle rentre à Mailhat pour y résider la guerre durant ; le projet reste en sommeil mais sera repris en 1950 puis en 1956 où elle refondra totalement le guide avec l’aide de Madeleine Parisot.

Jean Capart (1877-1947)
Conservateur de la section égyptienne
des Musées Royaux d’Art et d’Histoire de Bruxelles

À la sortie de la guerre, Ripa de Roveredo se tourne vers Marcelle Baud pour développer le Club des Soroptimists en France. Déjà membre Fondateur du club de Paris, Marcelle Baud profite de ses séjours à Mailhat pour implanter le Club en Auvergne. Ainsi, avec beaucoup de patience, elle parvient à constituer un petit groupe de sympathisantes issues d’horizons très divers : professions médicales et paramédicales, commerçantes, enseignantes… Les premiers Clubs sont inaugurés à Clermont-Ferrand et Issoire en 1954, elle en est la marraine. Mailhat devient alors de point de rencontre de tous les Clubs de la région : venant d’Issoire, de Clermont, de Vichy, de Rodez, du Puy, tout le monde se retrouve en famille pour partager un grand goûter au château.

En 1956, elle retourne en Égypte avec Marcelle Werbrouck pour qui ce sera le dernier voyage sur les bords du Nil.

Elle participe à différents congrès (le dernier à Grenoble en 1979), et en 1978 – elle a alors 88 ans -, elle publie son dernier ouvrage intitulé Le caractère du dessin en Égypte ancienne. Dans son introduction elle livre, en des phrases choisies et sincères, toute l’admiration et la passion qu’elle éprouve pour l’art auquel elle a consacré sa vie : « L’art égyptien, un art descriptif par excellence », « la réflexion mentale de l’artiste est primordiale ». Cet ouvrage est une remarquable étude du dessin et des bas-reliefs tels qu’ils furent pratiqués en Égypte ancienne. On y apprend ainsi comment les éléments du décor étaient représentés par rapport à un spectateur mobile.

Marcelle Baud a rejoint le royaume d’Osiris qu’elle a si souvent dessiné le vendredi 13 février 1987. Elle repose dans le cimetière d’Issoire.

Plafond de la tombe de Khonsou
décoré d’oiseaux, de nids et de criquets
(Thèbes, environ 1304-1213 avant J.-C.), dessin de M. Baud

Bibliographie et expositions

Documents d’art égyptien, dessins de tombeaux thébains de la 18e à la 26e dynastie. [Exposition, janvier-février 1926. Notice de Marcelle Baud.]Paris : Musée des arts décoratifs, 1926.

Tombes thébaines, nécropole de Dirâʿ Abûʼn-Nága (en collaboration avec Étienne Drioton, George Foucart). Mémoires publiés par les membres de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire. Tome 57, 1928

Les dessins ébauchés de la nécropole thébaine (au temps du Nouvel empire). Le Caire : Institut français d’archéologie orientale, 1935

Les pleureuses dans l’Egypte ancienne (en collaboration avec Marcelle Werbrouck). Bruxelles : Fondation égyptologique Reine Elisabeth, 1938.

« Le métier d’Iritisen », in Chronique d’Egypte. Bruxelles, n°25, janvier 1938, pp. 21-34

Égypte, Les Guides bleus. Paris : Hachette, 1950.

Tout-Ankh-Amon (2e édition). Bruxelles : Vromant, 1950. Auteur : Jean Capart, illustrateur : Marcelle Baud

Égypte, Le Nil égyptien et soudanais du Delta à Khartoum. Les Guides bleus. Paris : Hachette, 1956. Éditeur scientifique : Marcelle Baud en collaboration avec Magdelaine Parisot

Le Tombeau de Khâemouast (N ° 261 à Thèbes). [S. l. ?], 1967 ?

Le Caractère du dessin en Égypte ancienne. Paris : J. Maisonneuve, 1978.

De l’Egypte à l’Auvergne [Exposition, mai juin 1990]. Clermont-Ferrand : Musée du Ranquet.

[1] Le texte qui suit n’est qu’une compilation croisée de ces différentes références où leurs auteurs se sont essayés à retracer – tout ou partie – le parcours de l’égyptologue, de la membre du mouvement Soroptimist, ou simplement de la femme d’exception qu’était Marcelle Baud.

[2] Futur professeur au collège de France entre 1957 et 1960, titulaire de la chaire « philologie et archéologie égyptiennes »

[3] Marcelle Werbrouck (1889-1959) fut, durant plus d’un quart de siècle, la plus proche collaboratrice de Jean Capart avec qui elle co-signa plusieurs ouvrages, parmi lesquels ces deux chefs-d’œuvre que sont Thèbes: La Gloire d’un Grand Passé et Memphis: À l’Ombre des Pyramides. Première femme égyptologue de Belgique, elle succéda à son Maître comme conservatrice de la section égyptienne du Musée du Cinquantenaire (1925-1954) puis comme directrice de la Fondation égyptologique Reine Elisabeth (1947-1958). Celle-ci décède à Mailhat le 1er août 1959, à l’âge de 70 ans.

[4] Extrait de la revue L’Egyptienne, n°14 – 2e année – Mars 1926 (http://www.cealex.org/pfe/diffusion/PFEWeb/pfe_004/PFE_004_006_w.pdf).

[5] « La décoration murale des tombeaux est une écriture développée, car le dessin égyptien est avant tout descriptif. Les personnages ont la valeur d’un symbole : leur pose, leurs attributs, leurs dimensions permettent de lire comme un texte les scènes représentées en différents registres. Par raison religieuse, les thèmes décoratifs des tombes thébaines imposés par les prêtres sont presque immuables : scènes d’adoration, présentations d’offrandes aux divinités, objets utiles à la vie d’outre-tombe… ». Extraits du compte-rendu paru dans la revue « Syria » en 1936 (sous la signature « M.D.B »). Le lecteur précise pour clore son compte-rendu : « Les 33 belles planches hors texte achèvent de donner un haut caractère artistique à ce remarquable travail » (https://www.persee.fr/doc/syria_0039-7946_1936_num_17_2_8349_t1_0186_0000_2).

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