Un vicaire mis à l’amende

L’ordonnance de Villers-Cotterêts, promulguée en août 1539, est surtout connue pour avoir imposé l’usage du français dans les actes officiels. Elle est aussi à l’initiative de la tenue des registres paroissiaux, à travers ses articles 50 à 53 qui font en particulier obligation aux ‘chapitres, colléges, monastères et cures’ de porter dans des registres les baptêmes et sépultures. L’article 53 stipule par ailleurs le dépôt de ces registres au greffe ‘du prochain siège du baillif ou séneschal royal’.
Même si l’ordonnance a été partiellement appliquée, se traduisant par la tenue de registres çà et là dans la royaume, le dépôt au greffe ne semble pas avoir été suivie des faits. C’est probablement la raison pour laquelle, dès 1569, la sénéchaussée d’Auvergne rappelle aux curés et vicaires cette obligation de dépôt, faute de quoi ils encourent une amende de 100 sous. La peur de l’amende semble avoir été un argument suffisant puisque, pour ce que nous avons ou observer pour de nombreuses paroisses de Basse Auvergne, les années 1569-1575 composent la première série de registres de baptêmes et sépultures qui nous sont parvenus.
Le texte que nous présentons ici, écrit en juin 1571, est le témoignage d’un vicaire récemment nommé dans la paroisse rurale d’Orsonnette (Puy-de-Dôme). Apparemment de bonne foi, il se dit ne pas avoir été mis au courant de cette obligation de dépôt. La proximité immédiate de Nonette, siège d’une importante châtellenie royale, n’est certainement pas sans incidence sur l’incitation qui lui est faite de se déplacer rapidement, malgré son âge avancé, au greffe de la sénéchaussée d’Auvergne à Riom pour déposer – avec un peu de retard – les registres de sa paroisse. L’évidente bonne volonté affichée par le religieux lui permet d’éviter l’amende encourue. Le procureur du roi en profite tout de même pour lui faire des remontrances sur la tenue de son rôle des sépultures, et de l’obligation qu’il a de faire certifier son registre par un notaire royal.
Outre l’intérêt historique, l’extrait présente un petit intérêt paléographique pour les amateurs du XVIe siècle !

« À Monsieur le sénéchal d’Auvergne ou son lieutenant.
Supplie humblement Mre. Pierre Baile vicaire du lieu et parroisse d’Orcenete, armant ledit suppliant ayt esté vicaire de ladite parroisse puis ung an en ça seulement y ayant vacqué en ladite charge ledit temps et deparavant estoit demourant en autre parroisse appellée Sainct Eustazy dont il n’avoit autre charge que de presbtre, n’estant adverty de voz ordres par lesquelles tous curés et vicaires sont tenus pourter les rolles des baptesmes et sepultures au greffe de seans dans le temps pourté par icelles à peyne de cent solz d’amande.
Ce considéré monsieur, et que ledit suppliant d’aige de plus de soixante dix ans est venu expres en ceste ville de Riom pour pourter [ledit – biffé]le rolle des baptesmes et sepultures de ladite parroisse d’Orcenete cy attaché. Il vous plaize ordonner qu’il sera mys au greffe de la cour de seans et en ce faisant vous plaira rebatre l’amande de cent solz contre luy ordonnée et vous fairés biens. [Signé P. Baylle]

Sera comuniqué au procureur du Roy, faict ce IIIIe juing 1571. [Signé Bubourg]

Atandu la veilhesse dudit suppliant venu en ceste ville, je ne veulx ampescher son rolle cy ataché des baptesmes sepultures ne soit mis au greffe avec que enjoinction luy estre faicte de faire escripre ledit rolle de sepultures bien et deuement de lectre lizable et oultre exhiber au notaire royal l’original du registre lequel après avoir veu et veriffier le signera et certiffiera avec qui ledit curé ou vicaire. [Signé Forget]

Soit fet suyvant la requisition dudit procureur duroy, fet le VIe juing 1571. [Signé Bubourg] »

[6 E 264 1 – Registres paroissiaux d’Orsonnette – https://www.archivesdepartementales.puy-de-dome.fr/ark:/72847/vta537cb07d1d681d6b/daogrp/0/1]