Issoire (Puy-de-Dôme), 1739

Au XVIIIe siècle, dans les campagnes de Basse Auvergne, la grêle pouvait anéantir une année de récoltes et envoyer des familles entières au cimetière. En cas de calamités météorologiques reconnues et attestées par les autorités locales, l’intendance de la Province était en mesure d’accorder des dégrèvements d’impôt (la taille), et soulager ainsi – souvent symboliquement- les populations rurales. Les représentants du peuple – les consuls – étaient ceux qui portaient l’alerte auprès de l’Intendant. Leur requête avait plus de chance d’aboutir si elle était appuyée par les personnalités éminentes de la paroisse : le seigneur, le procureur d’office, le notaire ou le curé… C’est bien souvent vers ce dernier que les paroissiens se tournaient pour authentifier leurs déclarations.

Les faits qui suivent se déroulent probablement à la suite d’un épisode de grêle, en juillet 1739. Christophe Fouilloux, curé de Meilhaud et archiprêtre d’Issoire, envoie une supplique à l’Intendant d’Auvergne, se disant en danger face à la colère des habitants de la ville d’Issoire. La raison évoquée serait une prétendue déclaration de sa part à l’Intendant, par laquelle il niait d’éventuels dégâts commis par la grêle. La déclaration aurait été relayée aux habitants par les consuls de la cité. L’intéressé crie à la calomnie et demande à ce que les consuls apportent un démenti publique. L’intendant renvoie la supplique à son représentant local, M. Aulteroche, subdélégué d’Issoire, plus à même de régler les problèmes de sa circonscription. La réponse de ce dernier, bien renseigné, met au jour une cabale menée contre l’archiprêtre par les curés du voisinage « faisant semblant d’être son ami ». Ceux-ci s’en amusent d’ailleurs ouvertement à l’occasion de la dernière conférence ecclésiastique. Nous ne connaissons pas les raisons de cette farce, mais l’épisode montre combien la grêle, et, par prolongement, l’assiette de la taille, sont des sujets avec lesquels il est périlleux de plaisanter. En l’occurrence, l’humour des curés de la région apparaît clairement en décalage avec les préoccupations « de la populace ».

Les textes (transcription intégrale) sont extraits des fonds de l’Intendance d’Auvergne :

#1. Lettre de Christophle Fouilhoux, archiprêtre d’Issoire, curé de Meilhaud, à l’Intendant de la Province d’Auvergne

« Monseigneur. Monseigneur l’Intendant de la Province d’Auvergne.
Supplie humblement Christophle Fouilhoux, Archi-prêtre d’Issoire, Curé de Meilleaux, disant qu’il lui est revenu depuis quelques jours par nombre de personnes dignes de foi et bien informées que la populace de la ville d’Issoire est irritée contre lui à un point qu’il a êté conseillé par ses amis de ne point paroitre dans ladite ville d’Issoire, ni mêmes aux approches pour ne pas s’exposer à la colère de ce peuple résolu de le maltraiter, parcequ’il accuse ledit Fouilhoux d’avoir dit à Votre Grandeur en présence des consuls de ladite ville d’Issoire que la grèle n’y avoit fait cette année aucun dégat : calomnie dont ledit sieur curé est absolument innoncent ainsi que le sait fort bien Votre Grandeur.
Ce considéré, Monseigneur, il vous plaise enjoindre aux consuls de la ville d’Issoire de se rétracter publiquement de la calomnie dont ils ont chargé si injustement le supliant affin que le peuple de ladite ville désabusé par là, discontinue ses menaces contre ledit curé de Meilleaux dont la personne ne seroit point en sureté sans cette précaution, et il continuera d’offrir ses voeux pour la santé et prospérité de Votre Grandeur. [Signé Foulhoux] »

[En marge : avis de l’Intendant, M. Rossignol, qui renvoie la supplique au subdélégué d’Issoire, M. Auteroche : « à M. Auteroche. Pour veriffier l’exposé à nous en rendre compte avec son avis ce 25 juillet 1739]

#2. Lettre de M. Aulteroche, subdélégué d’Issoire, à l’Intendant de la Province d’Auvergne.

« L’on dit que les curés du voisinage de Monsieur Foulioux archiprestre faisant semblant d’estre de ses amis l’ont porté à vous donner la présente requeste, il fust si bon que de le faire ; hier qui estoit le jour de la conferance, il vient à Yssoire, il fust bien turlupiné par messieurs les prestres qui rirent bien de cella. Il parla aux consuls. Ils sont bons amis. [Signé Aulteroche] »

[Archives départementales du Puy-de-Dôme, Fonds de l’Intendance, 1 C 3388]

 

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