Le tanneur

Une fois n’est pas coutume, nos dernières recherches n’ont pas concerné une famille auvergnate. La famille Lugné nous a transporté par-delà les monts du Forez, aux confins des anciennes provinces du Forez et du Velay.

La famille Lugné, tanneurs au Piolard

Les recherches ont débuté dans le petit village du Piolard, sur la commune de Champoly, en limite occidentale du département de la Loire. C’est ici, sur une rive du ruisseau des Salles, que voit le jour Antoine Lugné, en 1894. Il est le descendant de quatre générations de cultivateurs, tous propriétaires agricoles dans ce même lieu. Nous remontons ainsi jusqu’à Gilbert, né dans le dernier quart du XVIIIe siècle, premier membre de la lignée qui abandonne le métier de tanneur pour se consacrer au travail de la terre.

Jusqu’à lui, sur près de deux siècles, tous ses ancêtres ont exercé cette activité. Depuis au moins le début du XVIIe siècle, les Lugné s’étaient transmis l’art de tanner : nettoyer les peaux (bovins, ovins, porcins…), les faire tremper dans le tanin, les faire sécher… Il faut dire que Le Piolard était une région propice à la tannerie : un cheptel bovin qui ne manquait pas, la proximité de forêts qui donnaient l’écorce nécessaire à la fabrication du tan[1], la présence immédiate du ruisseau des Salles qui apportait à la fois la force hydraulique nécessaire à la rotation des meules, et l’eau, omniprésente tout au long du cycle du tannage.

Le métier de tanneur, de par la multiplicité des tâches à maîtriser, nécessitait un long apprentissage. C’est probablement ce qui explique la transmission systématique de ce savoir-faire qui s’est opérée de père en fils chez les Lugné. Entre 1600 et 1725 environ, l’entreprise familiale de marchands tanneurs permet à la famille de figurer parmi les notables de la paroisse de Champoly. On rencontre entre autres des collecteurs des tailles et un consul, fonctions communales les plus élevées de l’époque.

Le premier de la lignée – jusqu’où les archives nous ont permis de remonter – était Antoine Lugné, né vers 1600 probablement déjà au Piolard. Il connaîtra quelques déboires du fait de sa prestigieuse mais difficile fonction de collecteur des tailles. Mais son emprisonnement et le remboursement qu’il dût acquitter à l’administration fiscale ne semblent pas avoir eu d’incidence sur la destinée de sa descendance. Ce sont deux de ses petits-enfants, Antoine l’aîné et Antoine le jeune, qui développèrent l’activité familiale de tannage en achetant, en 1694, un moulin au Parisis, hameau qui fait face au Piolard sur l’autre rive du ruisseau des Salles. Dans les années qui suivent, en plus de ce bâtiment, les frères font l’acquisition de plusieurs prés, de pâturages, de terres, de bois… Bref, cette période, à cheval entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, apparaît comme l’âge d’or de la lignée.

Si l’étude des registres paroissiaux de Champoly ne nous a pas permis de remonter plus en avant, un article paru dans bulletin historique local de La Diana[2], dans lequel l’auteur a eu accès aux archives anciennes de la famille Lugné[3] et à des registres terriers de la paroisse de Champoly, permet d’évaluer l’arrivée des Lugné au Piolard près de deux siècles avant la naissance d’Antoine, au début du XVe siècle. Le berceau familial d’où provenaient les premiers Lugné installés au Piolard n’était éloigné que de quelques hectomètres, puisque tout donne à penser qu’il s’agissait du hameau de Lugnier, sur la paroisse voisine de Saint-Didier-sur-Rochefort.

[1] À l’époque, le tanin était d’origine naturelle : il provenait en générale de l’écorce de chêne qui était réduite en poudre grossière sous des meules. C’est cette poudre qui portait le nom de tan et c’est de ce vieux mot que dérivent tannerie, tannage, tanneur.
[2] La famille Lugné-Poë de Champoly, M.A. Lugnier, dans Bulletin de La Diana, p.72 à 85. Montbrison, Tome XXXVI, n°2 – 1959. L’auteur a eu accès aux archives de la maison Lugné Poë (350 pièces datées de 1540 à 1877) et aux terriers conservés alors en mairie de Champoly (terriers qui s’échelonnent de 1418  à 1692).
[3] Ces documents, pourtant précieux non seulement pour l’histoire de la famille Lugné mais aussi pour la région de Champoly et l’activité de tanneur, ne semblent pas avoir été déposées aux archives départementales de la Loire.

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